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FOOTBALL New York l'aime en salle, français... et à 5

Opening Soccer
Après le succès des salles de foot à 5 en Europe, plusieurs entrepreneurs français se sont lancés à l'assaut du marché américain. Si le soccer y est peu populaire, tous les ingrédients sont réunis pour que ce «football rapide» explose outre-Atlantique. Nous sommes allés dribbler à Brooklyn.

Depuis quelques semaines, les amateurs de foot peuvent marquer un but et le célébrer en face de la Statue de la Liberté, sur fond de skyline manhattanienne. Les Français de Socceroof sont fiers de l'endroit qu'ils ont déniché pour ouvrir leur premier espace de foot en salle à New York. L'effort se mérite, certes. Cette partie de Sunset Park, au sud-ouest de Brooklyn, n'est pas la mieux desservie par les transports. Ses rues désertes, à la tombée de la nuit, ne sont pas très rassurantes. Le bruit des machines chargeant et déchargeant les marchandises des entrepôts peut assourdir.

C'est justement un vieil entrepôt désaffecté qui sert désormais de base aux amateurs de ballon rond. «On travaille sur le projet depuis trois ans. C'est un secteur où il faut prendre en compte de nombreux paramètres», explique Jean-David Tartour, cofondateur de Socceroof. Cet entrepreneur installé depuis quelques mois à New York a été l'un des précurseurs du genre en France, en créant le Five. Une vraie réussite, comme plusieurs autres centres de futsal, sport qui se joue à cinq contre cinq avec des règles un peu différentes de celles du football à onze. Et dont le nombre de pratiquants est estimé à près de 4 millions dans l'Hexagone.

Le phénomène s'est développé dans le même temps au Royaume-Uni, en Allemagne et il atteint désormais l'Amérique. «C'est la conjonction de deux facteurs: la popularité croissante du football ici et le manque d'infrastructures de ce sport, qui ne fait pas partie des sports majeurs aux États-Unis», analyse Jean-David Tartour. Ces salles seraient donc les meilleures solutions pour pallier la rareté des terrains. «Cet hiver, on a été débordés de demandes de clubs, qui ne peuvent pas s'entraîner dehors à cause des conditions extrêmes ou qui doivent négocier des locations de salles très chères», confirme son associé Jonathan Lupinelli. L'originalité de ce marché «émergent» aux États-Unis, c'est qu'il est contrôlé presque exclusivement par des Français. Seul le britannique Goals, lancé il y a plusieurs années à Los Angeles, parvient à contester leur hégémonie. «Nous avons de bons entrepreneurs, qui n'ont pas peur de se mesurer à des défis internationaux, opine Jean-David Tartour. Et le modèle a particulièrement bien fonctionné en France, nous avons donc cette expérience.»

Michael Athea a été l'un des premiers à montrer la voie, il y a dix ans. Ce Franco-Américain en avait «marre d'être viré des parcs», au profit des joueurs de baseball. Il ouvre la première salle à Miami, ouverte sept jours sur sept, 24 heures sur 24. Il s'associe à un DJ, connu dans le monde de la nuit en Floride et fait de «Midtown Indoor Soccer», puis de «Urban Soccer Five» un endroit où l'on vient non seulement taper dans un ballon mais aussi écouter de la musique. Pour assurer sa promotion, ce fan de l'Olympique de Marseille peut compter sur le soutien de nombreux professionnels, en vacances dans la ville. Mamadou Niang, Antoine Griezmann, Paul Pogba, Hatem Ben Arfa... Tous sont passés par le centre pour poser aux côtés de l'équipe et garder la forme pendant leurs congés. Mais c'est une autre équipe entrepreneuriale qui domine le marché américain: Sofive. Après un premier centre dans le New Jersey en 2015, il a répliqué le modèle à Philadelphie l'an dernier. Et, dans les prochains mois, il en ouvrira deux à Washington et un autre à New York, à Bushwick. «C'est un quartier qui change beaucoup, mais où il reste quelques opportunités immobilières, précise le cofondateur de Sofive, Charles Lagayette. C'est un équilibre fin à trouver entre le bassin de population, le prix des loyers, l'accès aux transports...»

Lui et son camarade d'école de commerce, Jean-Damien Ladeuil, ont tenté l'aventure américaine après avoir démarré, le premier en banque d'affaires, le second dans le conseil. «Mais on était passionnés de foot. Donc on a bien étudié le marché américain avant de se lancer. Il y a beaucoup de pièges à éviter», insiste Charles Lagayette. Il faut aussi s'entourer de financiers aux poches profondes. «Cela dépend de l'emplacement, mais il faut au moins compter 1,5 million de dollars pour financer l'ouverture d'une salle», avance-t-il. Les coûts sont surtout élevés au démarrage, pour adapter des immeubles qui ne sont pas conçus pour la pratique sportive. Mais avec des coûts de fonctionnement assez bas, des tarifs qui démarrent à 100, voire 150 dollars de l'heure par équipe et jusqu'à une dizaine de terrains par centre, aux horaires d'ouverture larges, le modèle peut vite devenir rentable. Les deux jeunes entrepreneurs ont aussi pu compter sur un solide réseau. Ils ont reçu les conseils de Jérôme de Bontin, homme d'affaires franco-américain qui a oeuvré pour le rachat - finalement avorté - de l'AS Saint-Étienne par le fonds américain Peak6, d'Alain Lebleu, leur mentor qui a fait fortune dans l'immobilier, ou encore de l'ancien joueur Peguy Luyindula.

Tous ces projets ont trouvé leur public. Plusieurs milliers de joueurs y passent chaque semaine. «Il y a bien sûr une large base d'Européens et de Sud-Américains qui vivent ici et ont déjà une culture foot. Mais les Américains s'y mettent de plus en plus», assure Charles Lagayette. Avec un public sans doute un peu plus large, potentiellement, qu'en France. «Beaucoup d'enfants viennent jouer, des entreprises aussi. Il n'y a pas besoin d'avoir un très haut niveau pour commencer. Et puis les États-Unis sont en avance en termes de mixité. Le football féminin est très développé ici et l'on n'hésite pas à mélanger les équipes. On a même des compétitions mixtes», précise le patron de Sofive.

Les salles soignent aussi le spectacle. La plupart des matches sont filmés - on propose ensuite le «replay» aux joueurs. Certains centres mettent à disposition des statistiques sur le nombre de kilomètres parcourus, de ballons joués, les tirs, les buts... «Les Américains adorent la compétition. Quand ils se lancent dans quelque chose, ils s'y mettent à fond», souffle Jonathan Lupinelli, qui anticipe aussi un aspect plus social. «A priori, les gens restent plus facilement, après le match, manger ou boire un verre. On a mis l'accent sur la convivialité.» Doté d'une grande terrasse avec vue sur Manhattan, le premier centre de Socceroof dispose pour cela de quelques atouts.

Ne reste plus aux Américains qu'à «transformer l'essai». «Deux facteurs peuvent être déterminants à l'avenir: les résultats de l'équipe nationale [qui n'a pas réussi à se qualifier pour le Mondial en Russie, NDLR] et l'émergence d'une vraie star américaine, pointe Jean-David Tartour. Le problème des infrastructures, on est en train de le régler.»

 

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